Le docteur Sébastien Kolmer est chirurgien bariatrique et fondateur de l’IPCO. Spécialiste de la chirurgie de l’obésité depuis 15 ans, il a assisté à sa naissance et peut témoigner des améliorations significatives qu’elle a connu en terme de résultats et de qualité de vie des patients.
Bonjour Dr Kolmer et merci d’accepter de répondre à nos questions. Tout d’abord, pouvez-vous nous parler des innovations médicales qui ont rendues possible la chirurgie bariatrique ?
S. K. : La chirurgie bariatrique est le fruit d’une évolution assez récente. C’est une nouvelle famille de chirurgiens qui n’existait pas quand j’ai été formé. Le développement de la chirurgie de l’obésité a nécessité tout d’abord la maturation de certaines techniques qui ont été inventées aussi il y a une trentaine d’années, comme la cœlioscopie [technique chirurgicale mini-invasive]. En effet, opérer des gens qui sont en très grand surpoids est vraiment difficile quand on est obligé d’ouvrir le ventre comme on le faisait avant. Cela devient quelque chose de nettement plus faisable si on est capable de faire de petits trous dans le ventre et de ne pas être invasif et délabrant au niveau de la paroi abdominale.
Vous avez donc assisté à sa naissance et à son développement ?
S. K. : J’ai vu la naissance de la cœlioscopie et de la chirurgie bariatrique, puisque cela s’est cristallisé dans quelques centres dans le monde, et notamment à l’endroit où j’ai été formé, chez le Pr. Jacques Marescaux à Strasbourg. Il a été l’un des diffuseurs planétaires de la chirurgie cœlioscopique, et aussi, par le même canal historique, de la chirurgie bariatrique. Donc moi j’ai vu naître ces techniques, et ce sont des médecins de ma génération qui sont devenus des spécialistes de la chirurgie du poids.
Quelle importance a pris la chirurgie bariatrique avec le temps ?
S. K. : Depuis leur création, ces interventions ont pris une grande importance dans le paysage chirurgical français Dans ma spécialité qui est la chirurgie du ventre, l’intervention classique était la chirurgie colo-rectale. Le cancer du colon étant le cancer le plus courant chez l’homme et la femme réunis, c’est une intervention extrêmement courante. En France la chirurgie bariatrique a dépassé la chirurgie colo-rectale il y a 2 ans. En 2014, on y comptait environ 38000 procédures de chirurgie colo-rectale contre 48 000 procédures en chirurgie bariatrique, sachant qu’il y a des croissances à deux chiffres tous les ans pour cette dernière. Donc il s’agit d’une évolution assez récente, mais il y a une forte croissance qui nécessite la formation de médecins ultra spécialisés.
La technique a beaucoup évolué elle aussi…
S. K. : Ici à l’IPCO nous avons 15 ans d’expérience, donc quasiment la vie de la chirurgie bariatrique, car même si elle a 10 ans de plus, elle n’a commencé à devenir significative en terme de nombre de personnes opérées il y a une quinzaine d’années seulement. Nous avons donc connu un panel d’interventions qui se sont succédées, les unes après les autres, évoluant en fonction des techniques, des innovations et de l’amélioration des résultats que l’on voulait avoir en terme de perte de poids, de confort pour les patients, et de risques de complications.
Vous voulez dire qu’aujourd’hui elles présentent de meilleurs résultats ?
S. K. : Nous avons débuté par une une période où les interventions étaient complexes, lourdes, où nous avions presque l’impression de fabriquer une nouvelle maladie. Si les interventions actuelles impliquent encore des contraintes pour le patient, elles sont le prix à payer pour prendre en charge une maladie beaucoup plus grave et sans traitement efficace en dehors de la chirurgie. Ces contraintes s’allègent au fur et à mesure des innovations techniques, avec notamment l’apparition de la sleeve gastrectomie qui est la première intervention qui ne nous semble ne pas fabriquer de maladie spécifique, tout en réglant le problème de la maladie grave qu’est l’obésité morbide. Cette intervention commence même à être pratiquée en ambulatoire par certaines équipes.
Que permet d’accomplir la chirurgie bariatrique aujourd’hui pour les personnes en situation d’obésité morbide ?
S. K. : Par rapport aux bénéfices apportés par la chirurgie bariatrique – en 15 ans on a des résultats chiffrés sur des cohortes prospectives – il est démontré que la perte de poids fonctionne toujours mieux en se faisant opérer. Sur du vrai moyen et long terme, on a montré une chose, c’est que la chirurgie bariatrique est un vrai traitement. Le traitement d’une maladie qui fait mourir les gens plus tôt, qui les ampute d’une partie de leur confort de vie, qui les stigmatise, et qui les fait vivre dans un monde qui n’est pas du tout celui dans lequel ils ont spontanément envie de vivre. La chirurgie du poids c’est le seul traitement qui permet, dans une partie des cas, de revenir dans une certaine normalité pour les gens, sinon c’est inaccessible.
Retrouvez la suite de cette interview la semaine prochaine.