Le Docteur Sébastien Kolmer est chirurgien bariatrique et fondateur de l’IPCO. Spécialiste de la chirurgie bariatrique depuis 15 ans, il nous faisait part dans une première partie de l’interview de l’évolution de cette technique qu’il a vu naître. Cette semaine, nous faisons le point sur les interventions qu’il pratique et les patients à qui elles s’adressent.
Bonjour Dr Kolmer, et merci de continuer à répondre à nos questions. Tout d’abord, pouvez-vous nous parler des différentes techniques que vous pratiquez à l’IPCO ?
S. K. : En 15 ans, nous avons opéré environ 4000 personnes ici, donc nous avons tout fait en fonction de l’émergence des techniques, en fonction des connaissances scientifiques de l’époque. On ne peut pas rouler dans une voiture de 2015 en 1980, et pour la chirurgie ça a été la même chose, il y a eu des évolutions. On a d’abord commencé par des anneaux périgastriques, puis des gastric bypass, la référence après, et enfin on est arrivé à la sleeve gastrectomie.
Donc aujourd’hui l’intervention pratiquée majoritairement est la sleeve gastrectomie ?
S. K. : Toutes nos opérations se sont centralisées progressivement vers cette technique qui nous semble avoir un rapport bénéfice/risque nettement meilleur que les deux autres. C’est notre expérience, mais elle est transposable à toutes les équipes françaises puisque quasiment 70% des interventions en France sont maintenant des sleeve gastrectomies. Ce sont des chiffres de l’année dernière, ceux de cette année montreront certainement encore une augmentation de cette proportion.
Vous parlez d’un meilleur rapport bénéfice/risque, qu’entendez vous par là ?
S. K. : Aujourd’hui avec la sleeve gastrectomie il n’y a pas de complications à long terme. Concernant les complications à court terme, elles ont été réduites à quasiment rien au fur et à mesure de notre expérience et de l’amélioration de nos pratiques. Ce sont désormais des interventions qui n’induisent plus de modifications dans l’avenir des gens. C’est plus facile à décider pour eux, se dire qu’on va se faire opérer n’engendre plus du tout le parcours complexe qui a pu exister il y a quelques années. Il est possible de réaliser des interventions avec des taux de complications voisins de zéro et surtout des mises en oeuvre techniques beaucoup plus simples, avec des patients qui sortent dans les 24h qui suivent, sans contraintes particulières, en recommençant à manger le soir même, même si c’est que liquide. Et ils recommencent une vie normale, une activité physique, dès le lendemain.
L’évolution scientifique a donc permis de réduire considérablement les contraintes du patient qui va avoir recours à la chirurgie bariatrique. D’ailleurs, quel type de patient peut en bénéficier ? A qui s’adresse la chirurgie de l’obésité ?
S. K. : La chirurgie bariatrique en France est très réglementée. Il y a des contraintes imposées pour la mise en oeuvre des interventions de ce type, qui étaient certainement valable il y a encore quelques années mais qui se justifient désormais de moins en moins, eu égard à la raréfaction des complications et l’intendance beaucoup plus légère qui est mise en oeuvre autour de ces interventions.
Oui, la Haute Autorité de Santé impose un cadre d’éligibilité très strict se basant notamment sur l’IMC ou les comorbidités. Pensez vous que la législation va évoluer ?
C’est difficile à dire parce que je crois que l’innovation médicale, comme l’innovation technique ou technologique en général, va beaucoup plus vite que l’innovation administrative. Il y a clairement là deux dynamiques qui sont pas du tout les mêmes ! Il faut bien évidemment des règles de bonne pratique, mais elles n’ont jamais été imposées dans le reste de la médecine. La chirurgie du poids, c’est le seul pan de décision médicale qui est pris entièrement par l’administration, le docteur est souverain de son diagnostic et de son traitement dans quasiment toutes les pathologies qui existent sauf la dernière née [la chirurgie de l’obésité]. C’est une façon de décider basée sur des résultats statistiques, des résultats économiques, plus que des résultats individuels de patients.
Malgré tout, le nombre d’interventions continue à augmenter… pourquoi ?
S. K. : Oui, la chirurgie du poids a une croissance à deux chiffres malgré une réglementation qui est très contraignante pour les patients et pour les équipes de praticiens qui s’occupent de gérer ces pathologies. J’explique cette progression par le fait que d’une part la chirurgie du poids devient moins risquée et marche mieux, et d’autre part que la pathologie du surpoids augmente beaucoup plus rapidement encore que la croissance du nombre de nos interventions.